Reconciliation
Reconciliation
(Saxéjade Ténor)
(Violoncelle)
(Haut bois)
Après avoir considéré une vingtaine d’années d’errance à attendre l’issue
d’un divorce interminable catastrophique à mes yeux,
divorce qui, je venais de l’apprendre, était clôturé depuis 15 ans,
je maudissais le prénom de Marie.
J’avais passé des heures et des heures à l’aimer,
À répéter des « Avé Maria » jusqu’à une perfection inatteignable…
J’avais songé à l’immaculée conception,
À la Conception sans tâche de ses enfants.
A la vocation propre à Marie de bien les élever.
Et là, je venais de réaliser que ma femme,
Celle qui, après m’en avoir fait 2, m’avait mis à la porte et privé de les voir.
Celle dont j’avais désormais l’impression qu’elle les avait dressés contre moi,
S’appelait aussi Marie.
La Marie guerrière qui refusait de m’ouvrir ses portes,
qu’elles soient matérielles ou spirituelles,
« sans » que j’en perçoive la moindre raison…
Hier, j’étais venu jusqu’à la chapelle.
Pourquoi ? En pr’amor…
Le seul prénom de Marie me foutait la gerbe.
J’avais songé à Marie, l’infirmière qui portait le même prénom
Et qui m’injectait périodiquement cette saloperie de traitement psychotrope.
A vomir…
Ce matin, en rentrant d’une nécessaire marche de décompression,
J’avais versé des larmes en m’imaginant demander à l’infirmière
de changer de prénom, de se cacher, de se mettre hors de ma vue,
hors de ma perception…
Ce n’est pas que je voulais la tuer,
mais je ne voulais plus entendre parler de Marie.
Comment, celle qui élève, pouvait-elle exclure de la sorte
la présence de son homme dans l’éducation de ses enfants.
Je me disais,
Je ne suis pas leur père.
Leur Père, si Pierre et Lilou se décidaient à le connaître et lui parler,
Désormais, ils n’avaient plus qu’à s’adresser à leur Mère et à l’Ange Gabriel.
Tous les noms d’oiseaux y étaient passés pour qualifier Marie.
…
Et puis, habitué à l’ivresse de mes communions dominicales,
En rentrant de chez Serge,
J’ai trouvé la porte de l’Assemblée des Citoyens de l’Univers close.
Ils ne veulent pas de moi.
Tant pis.
La Chapelle est ouverte.
Elle est interdite mais je suis le seul à l’entretenir.
J’ai bien réparé son toit, l’autre jour.
J’ai bien balayé.
Chaque fois que j’y vais, je laisse une aumône pour son entretien.
J’y ai même laissé quelques graines de mélilot et de maïs « or blanc ».
Alors bon, elle ne va pas m’emmerder, la Marie, Dame du Verger ! Hein ?...
J’y suis descendu.
Et selon le rite cher au Moine que je suis devenu,
J’ai bu de l’eau de la source bienfaisante.
Et après ?...
Comment vais-je faire pour entrer dans notre Dame du Verger ?
J’ai entrouvert la porte.
J’ai aperçu Marie.
Impassible.
Silencieuse.
De marbre.
« Entre.
Viens ; je t’attendais.
Je suis seule.
Il n’y a que toi qui viens me voir…
Entre te dis-je…
Viens manger.
Viens boire.
Laisse une pièce sur l’autel si ça peut te désobliger… »
Je suis entré…
Je me suis attablé.
J’ai posé une pièce sur l’Autel.
En tournant le dos à Marie…
Et puis, l’appétit venant en mangeant,
J’ai mangé le pain,
J’ai bu le vin.
En silence.
Dans l’intimité ; sans micro…
Et, l’alcool léger montant à ma tête,
Je me suis résolu à sortir ma flûte.
Flûte que je m’étais auparavant interdite aux oreilles de la traîtresse.
Et j’ai flûtégé quelques airs.
Ça allait mieux…
Marie, au fond, ma Femme,
M’avait ré-ouvert ses bras…
Elle m’avait reçu sous son toit.
Nous avions mangé ensemble.
Et même qu’à la fin du repas,
J’ai chanté.
A gorge déployée.
Et La chapelle, et Marie ; notre Dame du Verger, m’avaient accompagné.
Elles avaient chanté avec moi.
Le chœur ouvert et plein de joie.
Me venant alors la rituelle envie d’uriner,
J’ai rangé l’autel, plié bagages et suis sorti pisser au pied d’un cerisier.
Marie était heureuse.
Et moi dont…
Le refrain d’alors tournait et retournait dans ma tête.
Il ne pouvait s’appeler que « Réconciliation »
Le Voici…
Marie
et le Dit Zident,
réconciliés
...
Haut Hié
Le 26 janvier 2025